LE GRENIER GENEALOGIQUE

   

  

 



Le Choléra - 1832 - L'arrivée en France



Le Grenier Généalogique
Juin 2017

1832 - LE CHOLERA A PARIS - LE CYCLE URBAIN DE L'EAU AVANT L'EPIDEMIE - 1ère PARTIE
 

En 1832, la population parisienne, qui compte un peu moins de 800 000 âmes (Paris est la plus grosse ville de France, aucune autre ne dépassant à l'époque les 200 000 habitants) boit :

  • soit de l'eau de rivière, prise dans la Seine ou venant du canal de l'Ourcq,

  • soit de l'eau tirée d'un grand nombre de puits superficiels qui existent dans la Capitale depuis plusieurs siècles (25 000 à 30 000 en 1830)

  • soit de l'eau de source descendant depuis le Moyen Age (et même avant) du plateau de Belleville... 

Des porteurs d'eau vendaient également de l'eau dans les rues mais elle était en général puisée dans la Seine puis décantée sommairement malgré une législation relativement stricte.

L'eau des puits

Contrairement aux futurs puits artésiens qui iront chercher l'eau à plus de 500 mètres de profondeur, les puits parisiens étaient des puits superficiels.

Rive droite, l'eau affleurait à 4 ou 5 mètres. Rive gauche, il fallait aller un peu plus profond, entre 5 et 10 mètres.

Quoiqu'il en soit, les eaux issues de ces puits étaient un mélange d'eaux d'infiltration venant de la Seine,  d'eaux usées ayant "nettoyé" les pavés parisiens et d'eaux émanant des fosses d'aisance et des cimetières !!!

Il faut savoir que jusqu'à la fin du 19e siècle, on enterrait les morts du cimetière du Père Lachaise (situé en 1832 hors les murs de Paris), dans un mélange de marnes et... d'eau !

Le Canal de l'Ourcq

Au début du siècle, Bonaparte, Premier Consul voulant "faire quelque chose pour les Parisiens", décida de leur offrir de l'eau et lança un projet de détournement de l'eau d'une rivière de l'Est de Paris, l'Ourcq, un affluent de la Marne. Cette idée de canal desservant Paris n'est pas neuve ; elle avait déjà été envisagée par Colbert au XVIIe siècle.

L'eau de cette petite rivière est donc acheminée sur 107 kilomètres via le canal de l'Ourcq (qui récupère l'eau à Mareuil-sur-Ourcq dans l'Oise) dans le bassin de la Villette. Ce bassin avait été creusé en même temps que le Canal et inauguré, en "grande pompe" le 2 décembre 1808. Puis Napoléon fait prolonger ce bassin par le canal Saint Martin dont la construction ne sera terminée qu'en 1824 sous le règne de Charles X. En 1830, environ 24 000 m3 d'eau supplémentaires sont distribués chaque jour aux Parisiens.


Le Canal de l'Ourcq, dessin de Nash (site de Gallica - BNF)

Toutefois, il faut noter que le Bassin de la Villette n'est pas seulement un réservoir d'eau à l'air libre (800 mètres de longueur sur 80 mètres de large), c'est également un port fluvial qui conclut une voie navigable équipée de 15 écluses ! La qualité de son eau devait donc laisser à désirer.

Quoiqu'il en soit, ce bassin alimentait d'une part, le réservoir de Monceau (par l'aqueduc de ceinture) qui lui-même desservait une grande partie des bornes fontaines sur la Rive Droite et d'autre part, le réservoir Saint Victor (réservoir situé près des Arènes sur la Rive Gauche) par une galerie qui passait sous le Faubourg Saint Antoine puis traversait la Seine sous le Pont d'Austerlitz.

La distribution était donc assurée par des fontaines publiques, le surplus d'eau pouvant être utilisé pour nettoyer les rues et surtout les égouts.
 

Le Décret de Saint Cloud, 2 mai 1806

Ce Décret avait pour but de donner encore plus d'eau aux Parisiens. 15 nouvelles fontaines furent ainsi construites. Seules 4 sont encore visibles de nos jours, 2 à leur emplacement d'origine : les Fontaines de Mars et du Fellah (7e), 2 légèrement déplacées , la Fontaine Léda rue de Sèvres et celle de la Paix. On peut semble-t-il apercevoir le bas-relief d'une cinquième fontaine, celle de la Charité sur un mur de la rue de Sévigné (3e/4e).

La Seine

Il faut noter qu'un tantinet "conservateur" le peuple de Paris se méfiait de l'eau de l'Ourcq pourtant gratuite. Il continuait à lui préférer l'eau de Seine, payante. Et pourtant, on dénombrait une soixantaine d'égouts s'y déversant durant sa traversée de Paris... Depuis longtemps effet, la Seine et ses affluents tels que la Bièvre jouaient le rôle d'un gigantesque collecteur...

Au 18e siècle, deux frères, les frères Perier, avaient obtenu l'autorisation de créer le premier service de distribution d'eau moderne. Ils installèrent des pompes à vapeur dites "pompes à feu" pour élever l'eau de la Seine vers des réservoirs. En 1788, naissait la Compagnie des Eaux de Chaillot du nom de la première pompe installée de ce type. Le problème majeur était que cette première pompe, baptisée du charmant nom d'Augustine, pompait son eau en aval du grand égout qui récupérait toutes les eaux usées de la Rive Droite. Sa "petite soeur", Constantine, installée sur l'autre rive (au Gros Caillou) n'était pas mieux lotie... 

Si ces projets avaient été défendus par Beaumarchais, administrateur de la Compagnie, ils n'étaient pas du "goût" de Mirabeau pour qui "c'était verser son pot de chambre dans sa carafe".
 

Les "Sources de Belleville"

Celles-ci sont connues depuis les Romains qui, dès le IIe siècle, les captaient avec des drains de pierre enterrés sur les collines de Belleville, de Ménilmontant et du Pré-Saint-Gervais (ce "plateau" était situé entre 100 mètres et 130 mètres d'altitude donc au-dessus de la ville proprement dite). Hélas, leur aqueduc disparut lors des invasions barbares.

Il faut attendre l'An 1000 pour que les moines de Saint Martin des Champs reconstruisent un nouvel aqueduc qui aboutit à Ménilmontant dans un bassin de réception protégé dont le Regard Saint-Martin est peut-être aujourd'hui le seul vestige. Cet aqueduc dit "de Savies" perdura jusqu'au XVIIIe siècle.

Au XIIe, les moines chevaliers de Saint Lazare, ordre dédié aux soins des lépreux, construisirent pour leur part l'aqueduc du Pré-Saint-Gervais. Il fut racheté aux Chevaliers par la ville de Paris en 1364 pour alimenter les Fontaines de la Rive Droite, la Fontaine des Halles (ou du Pilori), Fontaine des Innocents et Fontaine "Maubuée" (ou "Mauvaise Lessive").

Philippe Auguste (1180-1223) commandera, lui, l'édification d'un troisième aqueduc dit "de Belleville". Ces trois conduits alimenteront, bien évidemment, en premier lieu les moines mais également les parisiens de la Rive Droite et ce, pendant cinq siècles !

Ce quartier garde encore dans ses noms de rues la mémoire de cette eau ruisselante : Rue des Cascades (20e), Impasse et Rue de la Mare (20e), Rue des Rigoles (20e)...

Toutes ces sources d'eaux constituent ce que Ange-Pierre Leca (voir la bibliographie) regroupe sur le titre " l'eau qui s'en vient ". Notre courte du Choléra nécessite également l'étude de " l'eau qui s'en va ".
 

 
Et elle pompaient, pompaient...

Les "pompes à feu" succédèrent à la fin du 18e siècle aux pompes hydrauliques du type de la Samaritaine, pompe mise en service en 1608 à l'initiative de Henry IV et de Sully et installée sur le Pont Neuf.

La première pompe à feu fut celle de Chaillot (Rive Droite) mise en service en 1781. Son débit était d'environ 4 300 m3  par jour. L'eau pompée dans la Seine était ensuite acheminée vers un réservoir situé sur la colline de Chaillot (actuellement la place des Etats-Unis). Des tuyaux de fonte "arrosaient" les Grands Boulevards jusqu'à la Porte Sainte Antoine. Ils alimentaient également le riche Faubourg Saint Honoré.

La pompe du Gros Caillou (Rive Gauche) fut mise en service en 1788 sur le Quai d'Orsay. Le réservoir était placé dans une tour haute de 35 mètres car aucune colline n'était à proximité. Cette pompe desservait les Invalides, le quartier de l'Ecole Militaire et le Faubourg Saint Germain. La technologie était anglaise ; les pompes étaient des machines à vapeur "Watt" fabriquée à Soho dans la banlieue de Londres. Elle fut abandonnée en 1851.

 
La pompe du Gros Caillou sur la Rive Gauche (site de Gallica - BNF)

>>> 1832 - Le Choléra à Paris - Le Cycle urbain de l'eau avant l'épidémie - 2ème partie

Bibliographie


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